Pampulilu Creamy revient
Quand Creamy, merveilleuse Creamy a été diffusée pour la première fois en France, nous avions déjà eu et aimé Gigi. Tout comme elle, ses pouvoirs magiques lui permettaient de grandir pour devenir adolescente. Un rêve ultime pour les enfants que nous étions. Le rendez-vous était fixé sur La Cinq dans Youpi ! L’école est finie.
Outre le fait de grandir, Creamy devenait chanteuse, et cela nous émerveillait. Au Japon le phénomène des idols – ces chanteuses adolescentes au succès fulgurant dans le showbizz – était en plein essor.
Chez nous, Creamy rencontra un tel succès, que la demande pressante des fans, poussa les Disques Adès à éditer un vinyle 33trs avec les chansons de Creamy et de Megumi / Chantal réinterprétées en français par Claude Lombard.
Le succès d’une telle série, c’est la convergence de plusieurs points ; Creamy était en symbiose avec son époque (les idols), elle était la première à aborder ce sujet.
De plus, sa bande son très réussie (BGM et chansons), son scénario original et ses superbes dessins nous ont marqué durablement.
Le character design d’Akemi Takada (Patlabor, Kimagure Orange Road, Maison Ikkoku) participe grandement à la beauté de la série, et a fait de Creamy, l’ange de la magie.
Chantal c’est ma rivale, Megumi c’est une chipie
Aujourd’hui Creamy est de retour sous forme d’un shôjô manga pour le moins original : Dans l’ombre de Creamy de Emi Mitsuki édité chez Kurokawa.
Si l’anime était exclusivement centré sur le personnage de Yû / Creamy et sur la problématique de la magie, cet ouvrage développe le point de vue de sa rivale, Megumi / Chantal, star phare des productions Parthenon, idol sur le déclin, dans un milieu où le jeunisme et l’éphémère sont la règle.
L’histoire suit le cours que nous connaissons avec l’anime, mais le ton est résolument plus adulte.
La cruauté du showbiz et le cynisme de Shingo / Jingle nous sont livrés par le regard de Megumi. On redécouvre une artiste colérique, caractérielle et sûre d’elle.
Sa jalousie, sa vanité et ses manigances irritent, mais elles sont légitimes. Elle sent que Shingo veut la remplacer, sans aucun état d’âme. Après avoir sacrifié tant de choses, elle va encore devoir lutter pour sa carrière. Le talent de Emi Mitsuki est de nous la faire aimer.
Près de quarante ans plus tard, l’autrice, Emi Mitsuki, qui a grandi avec cet anime, développe un point de vue pertinent et plus réaliste.
On découvre par exemple d’autres artistes des productions Parthenon, ainsi que cet univers concurrentiel et sans pitié.
Bien sûr la magie est toujours là, mais en filigrane.
Emi Mitsuki s’attache à expliciter le questionnement autour de certains détails organisationnels – Comment le show de la fête foraine a-t-il pu être mis sur pied et par qui ? – jamais abordés dans l’anime.
Creamy est injoignable ? Elle doit être rentrée à 20h ? Qu’à cela ne tienne, Emi Mitsuki en fait un atout marketing qui réjouit Shingo : Creamy est ainsi surnommée la Cendrillon de 20h !
On ne peut jamais savoir qui… nous surpassera !
Le rythme effréné de la narration est à l’image de la série : les évènements s’enchaînent tambours battants.
L’autrice, pour notre plus grand bonheur, respecte des détails caractéristiques des personnages ; l’éternel regard de séducteur de Shingo quand il fait son poseur, les gifles mémorables que Megumi lui inflige, sont un régal. D’ailleurs, même si le ton du manga est plus adulte que l’anime, l’humour n’est pas en reste.
Dans l’ombre de Creamy aborde le thème de la magie, en second plan, de manière très subtile. Creamy est née de cette magie, et elle seule le sait. Or Shingo et Megumi évoquent souvent, tout au long de ce premier tome, la magie dans le sens métaphorique du terme – « Devenir une star n’est pas une question d’efforts, mais une question de magie » – sans se douter de la réalité de la magie de Creamy Mami.
Compte sur moi pour t’enseigner cette leçon. Qu’il faut plus que de la magie pour survivre dans le monde du showbiz !
Les noms japonais sont conservés et le dessin est une vraie merveille. Sans trahir le design d’Akemi Takada, Emi Mitsuki a su moderniser les personnages et leur insuffler une nouvelle jeunesse. Ironique !
Enfin, j’aime la petite parenthèse de Toshio / Charlie et Midori /Bouftou qui se glisse entre certains chapitres. Ils nous présentent des choses marquantes de la vie des jeunes japonais, à l’époque où Creamy était diffusée dans l’archipel.
Ce premier tome est donc une excellente surprise à tout point de vue, car il n’est pas aisé de prendre le relais d’une série à succès. L’édition de Kurokawa s’offre même un joli vernis sélectif pailleté. Pampulilu !
Dans l’Ombre de Creamy, une anamorphose réussie !
Sous un verni de légèreté et de magie, Dans l’ombre de Creamy laisse parler l’amertume de Megumi, star quasi-déchue, détrônée par une plus jeune. C’est un combat bien cruel qu’elle mène. Le manga surprend et se révèle être une critique sans ambages du showbiz système. Un écho terriblement d’actualité. Dans l’ombre de Creamy est à découvrir sans faute !